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CEDEAO vs AES : Enjeux économiques et sécuritaires d’une rupture historique

La crise actuelle entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Alliance des États du Sahel (AES), composée du Mali, du Burkina Faso et du Niger, marque un tournant historique pour l’intégration régionale et la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. Alors que les tensions entre les deux blocs se sont intensifiées ces derniers mois, la rupture imminente de l’AES avec la Cedeao soulève des questions cruciales sur les impacts économiques, sociaux et sécuritaires dans une région déjà fragilisée.

Le sommet de la Cedeao qui se tiendra à Abuja, le 15 décembre 2024, sera l’occasion d’officialiser le retrait de l’AES de l’organisation. Cette décision fait suite à l’annonce fracassante en janvier de la volonté des trois pays gouvernés par des juntes de quitter l’organisation qu’ils jugent instrumentalisée par la France, leur ancienne puissance coloniale. Le départ de ces pays représente une rupture historique, qui affectera non seulement les relations diplomatiques, mais aussi les échanges économiques et la coopération sécuritaire au sein de la région.

L’un des facteurs clés du conflit réside dans le rôle joué par la France, qui est perçue par les autorités des trois pays comme un acteur trop influent au sein de la Cedeao. L’expulsion des ambassadeurs français et le retrait des troupes militaires ont marqué un tournant, avec un rapprochement de ces pays vers des partenaires comme la Russie et la Turquie. Ce repositionnement s’accompagne de critiques sévères à l’encontre de la Cedeao, notamment pour son rôle jugé insuffisant dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Le désengagement de la Cedeao vis-à-vis des enjeux sécuritaires du Sahel, notamment en ce qui concerne la lutte contre le djihadisme, a alimenté les frustrations.

Les pays du Sahel reprochent à l’organisation régionale de laisser des acteurs externes prendre en charge leur sécurité, tout en négligeant les besoins spécifiques de la région. Face à ce manque de soutien, l’AES a annoncé la création en novembre 2024 d’une force militaire conjointe, visant à renforcer la résilience face aux menaces terroristes.
Le retrait de l’AES de la Cedeao aura des conséquences directes sur l’économie de la région. Depuis sa création, la Cedeao a facilité la libre circulation des personnes et des biens grâce à des mesures comme le passeport commun et l’élimination des visas entre ses pays membres.

L’annonce du départ de l’AES risque de perturber ces échanges, avec des implications profondes pour les diasporas malienne, burkinabé et nigérienne. En l’absence de ces facilités, des obstacles aux circulations commerciales et humaines pourraient naître, affectant notamment les secteurs du commerce transfrontalier et des investissements. L’économie de l’AES, qui est fortement dépendante de la Cedeao pour ses échanges commerciaux, pourrait également souffrir.

En effet, les pays de l’AES réalisent une grande partie de leurs importations et exportations à travers la Cedeao. Un retour aux taxes douanières et à des contrôles plus stricts sur les mouvements transfrontaliers pourrait entraîner une hausse des prix des denrées, fragilisant encore davantage des populations déjà confrontées à des difficultés économiques.La Cedeao, qui voit son influence réduite avec le retrait de l’AES, se trouve dans une position délicate.

L’organisation devra faire face à une perte de crédibilité et à une érosion de ses capacités d’intégration régionale. Toutefois, la Cedeao reste l’une des organisations régionales les plus solides d’Afrique, avec des institutions essentielles qui ont contribué à la mise en place d’infrastructures économiques et de mécanismes de coopération. Face à cette crise, l’organisation régionale devra redéfinir son rôle dans la gestion des transitions démocratiques, la lutte contre le terrorisme et la coopération économique.

Le sommet d’Abuja pourrait être l’occasion de trouver des solutions pour limiter les impacts de la rupture. Parmi les options envisagées, certains suggèrent la signature d’accords bilatéraux avec les membres de l’AES ou la création d’un statut spécial similaire à celui de la Mauritanie, qui s’était retirée de la Cedeao en 2000 avant de se rapprocher de l’organisation ces dernières années.

Alors que le Sahel traverse une crise sécuritaire sans précédent et que la région est confrontée à des tensions politiques croissantes, cette rupture entre la Cedeao et l’AES marque un tournant crucial. La stabilité future de l’Afrique de l’Ouest dépendra en grande partie de la capacité des acteurs régionaux à trouver un équilibre entre coopération et souveraineté, à rétablir la confiance et à répondre aux défis économiques et sécuritaires qui secouent la région.

Le sommet de la Cedeao à Abuja, bien qu’il marque une étape décisive, devra aussi ouvrir la voie à un nouveau chapitre de coopération régionale qui pourrait redéfinir les relations en Afrique de l’Ouest pour les années à venir.

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