Depuis 2018, le Rwanda a adopté une stratégie audacieuse en inscrivant son nom dans le paysage sportif européen. De Londres à Paris, en passant par Munich, le pays d’Afrique de l’Est s’affiche avec son slogan « Visit Rwanda » sur les maillots de certains des plus grands clubs de football mondiaux. Un pari stratégique qui vise à promouvoir le tourisme et à redéfinir l’image du pays sur la scène internationale.
Tout a commencé en 2018 avec un partenariat emblématique avec le club londonien d’Arsenal. En 2019, le Paris Saint-Germain a emboîté le pas, et plus récemment, le Bayern Munich a rejoint l’initiative en 2023. Ces collaborations ne se contentent pas de mettre en avant le nom du Rwanda sur les maillots des joueurs, elles s’étendent également à des panneaux publicitaires dans les stades, des campagnes numériques et des événements promotionnels.
Le Rwanda Development Board (RDB), l’organisme gouvernemental chargé du développement touristique, met en avant les résultats spectaculaires de ces partenariats. En effet, Arsenal affiche le logo du pays sur la manche gauche de ses joueurs, un emplacement qui génère environ 35 millions de vues par jour, selon les estimations du RDB.
Clare Akamanzi, directrice du RDB, affirme que ces alliances ont permis de générer plus de 160 millions de dollars en valeur médiatique et ont attiré un million de touristes au Rwanda, avec des retombées financières qui se chiffrent en centaines de millions de dollars.
Réhabiliter l’image du Rwanda
Le Rwanda a connu un passé tragique avec le génocide de 1994, un événement qui a profondément marqué son histoire. Cependant, depuis plus de deux décennies, le pays s’efforce de se reconstruire et de se réinventer sur la scène mondiale. La campagne « Visit Rwanda » a pour objectif de réhabiliter l’image du pays, en mettant en avant ses réussites économiques, sa sécurité, et sa modernité. »Le Rwanda est aujourd’hui un modèle de développement pour l’Afrique, avec une économie dynamique, un environnement propice à l’investissement et une population jeune et innovante », affirme Clare Akamanzi dans une interview.
Pour soutenir cette vision, le pays a massivement investi dans ses infrastructures, avec des projets comme l’aéroport de Bugesera, financé en partie par Qatar Airways, et la rénovation du stade Amahoro pour accueillir des événements internationaux.Le football n’est pas qu’un simple produit marketing au Rwanda, c’est aussi une véritable passion populaire.
Les compétitions européennes, notamment la Ligue des Champions, sont suivies par des milliers de fans dans les cafés et bars de Kigali. Le pays affiche une forte adhésion aux grandes équipes européennes, et cette passion pour le sport se reflète dans les investissements des autorités. Selon Thierry Kayishema, journaliste sportif à la télévision nationale, « Les Rwandais sont des supporters assidus des clubs européens, et ces partenariats avec des géants comme Arsenal et le PSG répondent à une forte demande locale. »Cependant, cette stratégie ne fait pas l’unanimité.
Certaines voix s’élèvent contre les sommes colossales investies dans ces partenariats. Victoire Ingabire, figure de l’opposition politique rwandaise, dénonce ce qu’elle considère comme un « gaspillage » d’argent public. « Ces investissements ne profitent pas à la majorité des Rwandais.
Ce sont des dépenses inutiles, surtout dans un pays où une grande partie de la population vit dans la pauvreté », a-t-elle récemment déclaré.Le montant des partenariats reste confidentiel, mais des sources font état de contrats avoisinant les 36 millions d’euros pour celui avec Arsenal et 30 millions d’euros pour le PSG. Malgré ces chiffres élevés, le Rwanda se défend en soulignant que les retours sont bien plus importants que les investissements réalisés.
Diversification du sport et développement économique
Le football n’est qu’une facette de la stratégie d’ouverture du Rwanda. En 2025, le pays deviendra le premier sur le continent africain à organiser les Championnats du monde de cyclisme sur route. De plus, des événements comme le Tour du Rwanda attirent déjà des équipes cyclistes internationales, renforçant l’image du pays en tant que destination sportive.
Le basketball bénéficie également d’un soutien gouvernemental, avec la Ligue Africaine de Basketball (BAL), qui profite de la dynamique instaurée par la NBA. La Kigali Arena, inaugurée en 2019, sert d’emblème à ce développement sportif avec des compétitions internationales et des événements d’envergure.
Le Rwanda ne se limite pas à ces disciplines, puisque le pays a récemment annoncé son intention d’accueillir un Grand Prix de Formule 1 en 2026. Ce projet ambitieux impliquerait la construction d’un circuit aux abords de l’aéroport de Bugesera et marquerait un retour historique de la Formule 1 en Afrique.
Une stratégie risquée mais ambitieuse
Bien que ces initiatives soient prometteuses, elles comportent des risques, avertit Simon Chadwick, professeur d’économie du sport. « Investir massivement dans le sport et les événements mondiaux est une démarche coûteuse et compétitive. Si mal gérée, elle peut entraîner des dettes importantes. »
Cette stratégie pourrait bien se révéler un levier puissant pour le développement économique du pays, mais elle nécessite de prouver qu’elle bénéficie réellement aux populations locales et qu’elle ne se limite pas à une simple vitrine de prestige.En dépit des critiques, les autorités rwandaises restent résolues dans leur projet de transformation. Clare Akamanzi conclut : « Nous avons un objectif clair : ces investissements sont essentiels pour notre développement, et nous continuerons à avancer sans nous laisser décourager par ceux qui doutent. »
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