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Action de 5 juristes contre le Code Électoral devant la Cadhp : Pourquoi ce recours a peu de chance de prospérer

Un groupe de cinq juristes béninois, composé de Landry Angelo ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Miguèle HOUETO, Fréjus ATTINDOGLO, et Conaïde AKOUEDENOUDJE, a introduit une plainte devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) concernant la nouvelle loi sur le code électoral adoptée le 5 mars 2024 par la neuvième législature béninoise.

Le recours a pour objet de contester les dispositions de la loi n°2024-13, modifiant et complétant la loi n°2019-43 portant Code électoral en République du Bénin, estimant que ces dispositions portent atteinte aux droits fondamentaux garantis par les articles 13 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et 25 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

Selon les observateurs, ce recours des juristes devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples soulève plusieurs points de débat. D’abord, leur argumentation semble se concentrer principalement sur des aspects techniques du nouveau Code électoral plutôt que sur une analyse approfondie des implications globales en matière de droits humains.

En se focalisant sur des pourcentages spécifiques pour l’éligibilité des députés, les juristes pourraient négliger d’autres dimensions importantes, telles que la transparence et l’équité des processus électoraux dans leur ensemble. En outre, le recours s’appuie sur des décisions récentes de la Cour constitutionnelle du Bénin qui ont validé la loi en question, ce qui pourrait affaiblir leur position.

La Cour constitutionnelle ayant déjà affirmé la conformité de la loi avec la Constitution, les juristes doivent démontrer de manière plus convaincante en quoi la loi enfreint les normes internationales en matière de droits de l’homme, et non seulement des aspects procéduraux ou techniques.

Enfin, la démarche pourrait être perçue comme une tentative de blocage ou de ralentissement du processus démocratique plutôt qu’une véritable recherche de justice et de protection des droits fondamentaux, ce qui pourrait nuire à la crédibilité des juristes et à la perception de leur recours comme étant un acte de bonne foi….Lire l’intégralité du recours

L’intégralité du recours

Abomey-Calavi, le 20 juin 2024

A–Monsieur le Président

Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
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À l’attention du Secrétaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
BANJUL
PLAINTE CONTRE LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN POUR VIOLATION DU DROIT DE LIBRE PARTICIPATION AUX ÉLECTIONS
LES PLAIGNANTS
Landry Angelo ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Miguèle HOUETO, Fréjus ATTINDOGLO, et Conaïde AKOUEDENOUDJE, tous juristes de nationalité béninoise, demeurant et domiciliés à Abomey-Calavi (Bénin) ; Tel : (+229) 97 87 28 91 ; 06 BP : 3755 Cotonou (BÉNIN) ; E-mail : angelo.adelakoun@gmail.com, où domicile est élu dans le cadre de la présente action.
ONT L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER
Par décision DCC n°24-001 du 4 janvier 2024, la Cour constitutionnelle du Bénin, plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle et de droits fondamentaux, a constaté que le code électoral crée une rupture d’égalité entre les maires.
La Cour constitutionnelle a estimé qu’il est possible de remédier à cette rupture d’égalité sans porter atteinte à l’autorité de la chose jugée de la décision DCC 19-525 du 14 novembre 2019. L’objectif de l’injonction de la Cour est de mettre tous les maires dans la même situation juridique.
Pour cette raison, la Cour a invité l’Assemblée nationale à modifier le code électoral afin de rétablir l’égalité entre les maires. En réponse, l’Assemblée nationale a adopté dans la nuit du 05 mars 2024, par 79 voix pour, 28 contre et 01 abstention, la loi modifiant et complétant la loi N°2019 – 43 du 15 novembre 2019 portant code électoral, non sans y laisser transparaître d’énormes contrariétés avec la Constitution, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Cette modification a été effectuée avec d’autres réaménagements notables qui sont contraires à l’esprit et à la lettre de la Constitution et des instruments juridiques internationaux et régionaux de protection des droits humains.
Face à cette situation, en notre qualité de citoyens épris de paix et de quiétude, nous avons saisi la Cour constitutionnelle par un recours en date du 08 mars 2024, enregistré au secrétariat de la Cour, aux fins de déclarer la loi N°2024-13 modifiant et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral, adoptée par l’Assemblée nationale le 05 mars 2024, contraire à la Constitution, et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Le 14 mars 2024, soit quelques jours après l’adoption de la loi et les multiples saisines, la Cour constitutionnelle a rendu la décision DCC 24-040, déclarant « conforme à la Constitution, en toutes ses dispositions, la loi n°2024-13 modifiant et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral, adoptée par l’Assemblée nationale le 05 mars 2024 ».
La loi a été promulguée par le Président de la République suite au contrôle de conformité de la Cour constitutionnelle. Pourtant, ladite loi comporte des dispositions conflictuelles et contraires aux instruments juridiques régionaux et internationaux pertinents. Ces violations flagrantes des dispositions tant de la Constitution du Bénin que des instruments juridiques internationaux et régionaux de protection des droits humains méritent d’être soumises à l’appréciation de la Commission.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de la plainte
L’article 7.1 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples énonce que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ».
L’article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule que « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ».
Ce droit comprend la saisine des juridictions nationales mais aussi celles supranationales. Conformément à l’article 114 de la Constitution, « les décisions de la Cour sont sans recours et s’imposent aux pouvoirs publics ».
La Cour a été saisie et a rendu la Décision DCC 24-040 du 14 mars 2024, justifiant ainsi l’épuisement des voies de recours internes, condition fondamentale de recevabilité de la présente plainte conformément à l’article 20 du Règlement intérieur de la Commission.
L’article 55 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples stipule que :
1. « Avant chaque session, le Secrétaire de la Commission dresse la liste des communications autres que celles des États parties à la présente Charte et les communique aux membres de la Commission qui peuvent demander à en prendre connaissance et en saisir la Commission. »
2. « La Commission en sera saisie, sur la demande de la majorité absolue de ses membres. »
L’article 55 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples énonce que les communications doivent remplir les conditions suivantes :
1. Indiquer l’identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la Commission de garder l’anonymat ;
2. Être compatibles avec la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine ou avec la présente Charte ;
3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l’égard de l’État mis en cause, de ses institutions ou de l’OUA ;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse ;
5. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge de manière anormale ;
6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, soit des dispositions de la présente Charte.
L’article 93 dispose que « Toute communication soumise aux termes de l’article 55 de la Charte africaine doit être adressée au Président de la Commission par l’intermédiaire de son Secrétaire. Le Secrétaire doit s’assurer que les communications introduites devant la Commission contiennent les informations suivantes : a. Le nom, la nationalité et la signature de la ou des personnes ayant introduit la communication ; b. Une indication de ce que le plaignant souhaite que son identité soit révélée ou non à l’État ; c. L’adresse par laquelle la Commission doit communiquer avec le plaignant et, si disponible, un numéro de téléphone, un numéro de fax et une adresse électronique ; d. Un rapport sur la situation ou la violation alléguée, en précisant le lieu, la date et la nature des violations alléguées ; e. Si possible, le nom de la victime, au cas où elle est différente du plaignant. »
De la lecture croisée de ces différentes dispositions, il ressort que la présente action remplit toutes les conditions de recevabilité et qu’il y a lieu de discuter de son bien-fondé.
Sur le bien-fondé de la plainte
Le peuple béninois, puisant dans son passé tumultueux, a réaffirmé avec vigueur en 1990 dans sa loi fondamentale son « opposition fondamentale à tout régime fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel ».
Notre pays, le Bénin, a volontairement adhéré à une communauté de normes et de principes qui promeut et garantit les droits de la personne, particulièrement les droits politiques des citoyens. C’est ainsi que nous avons, dans le préambule de notre Constitution, réaffirmé « solennellement notre détermination par la présente Constitution de créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle, que spirituelle ».
Toujours dans le même esprit, la Constitution du Bénin a fait de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples partie intégrante du bloc de constitutionnalité.
La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, au Kenya, est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Elle est l’un des principaux instruments juridiques du continent africain en matière de droits de l’homme et vise à promouvoir et protéger les droits fondamentaux des personnes sur le continent africain.
Les dispositions de cette Charte sont d’application directe et doivent prévaloir sur les lois internes contraires. La Commission est appelée à vérifier si la loi du 05 mars 2024 sur le code électoral est en conformité avec ces engagements internationaux.
A L’APPUI DE LA DEMANDE, NOUS EXHIBONS :
• La Constitution du Bénin
• La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
• Les décisions rendues par la Cour constitutionnelle du Bénin
• La loi n°2024-13 modifiant et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral
• La jurisprudence de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en matière de droits électoraux
En foi de quoi, nous vous prions, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de notre haute considération.
Les plaignants :
• Landry Angelo ADELAKOUN
• Romaric ZINSOU
• Miguèle HOUETO
• Fréjus ATTINDOGLO
• Conaïde AKOUEDENOUDJE

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